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Protocole FAMIGREN : fatigue et dysfonction mitochondriale dans le syndrome de Sjögren - 22/11/15

Doi : 10.1016/j.revmed.2015.10.302 
G. Urbanski 1, , F. Letournel 2, P. Abraham 3, A. Nadaj-Pakleza 2, A. Bruneau 3, A. Chevailler 4, C. Homedan 5, P. Reynier 5, G. Simard 5, C. Lavigne 1
1 Médecine interne et maladies vasculaires, CHU, Angers, France 
2 Département de neurologie, neuropathologie et neurobiologie, CHU, Angers, France 
3 Médecine du sport, CHU, Angers, France 
4 Laboratoire d’immunologie et d’allergologie, CHU, Angers, France 
5 Laboratoire de biochimie métabolique, CHU, Angers, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

La fatigue est un symptôme complexe à multiples dimensions. Bien que constituant la seconde plainte des patients souffrant du syndrome de Sjögren (SS), elle ne fait pas partie des critères diagnostiques. Même si elle peut concerner jusque 20 % de la population générale, à divers degrés, 67 % des patients atteints de SS présentent une fatigue modérée à sévère [1]. De nombreuses variables peuvent influencer cette fatigue (dépression et anxiété, troubles du sommeil, fibromyalgie) mais leur responsabilité fait toujours débat. Récemment, une association entre fatigue et cytokines pro-inflammatoires a été mise en évidence, laissant envisager un lien entre fatigue et activité inflammatoire de la maladie [2]. La mitochondrie a un rôle central dans le métabolisme énergétique et le muscle est un siège majeur des symptômes des cytopathies mitochondriales, avec myalgies, intolérance à l’effort et fatigue. Du fait de la fréquence de ces symptômes dans le SS, nous nous sommes interrogés sur la possibilité d’une dysfonction mitochondriale dans cette maladie.

Patients et méthodes

Nous avons inclus, de façon prospective et monocentrique, des patients de moins de 75ans atteints de SS primaire répondant aux critères américano-européens modifiés exprimant une fatigue invalidante. Les patients présentant une cause connue de fatigue chronique ont été exclus. La fatigue a été évaluée à l’aide du score FSS, l’activité de la maladie par le score ESSDAI. Les patients ont eu un cycle REDOX à la recherche de marqueurs indirects de dysfonction mitochondriale selon les recommandations de la Mitochondrial Medicine Society. Ils ont ensuite été répartis en 2 groupes : présence (REDOX+) ou absence (REDOX−) d’anomalies sur le cycle REDOX. En l’absence de contre-indication, les patients REDOX+ ont eu une biopsie musculaire pour étude de la chaîne respiratoire mitochondriale (OXPHOS) par oxygraphie et enzymologie. Les variables qualitatives étaient exprimées en n (%) et les variables en moyenne±SEM. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel Graphpad Prism v6.01.

Résultats

Trente-deux patients ont été inclus, avec un âge moyen de 56,7±2,1ans et une proportion de 84,4 % de femmes. Dix-sept (53,1 %) patients présentaient des anomalies du cycle REDOX. Les groupes REDOX+ et REDOX− ne différaient pas sur les plans démographique et clinique. Vingt-quatre (75 %) des 32 patients présentaient un score FSS supérieur à 4/7, témoin d’une fatigue sévère. Le FSS était comparable entre les 2 groupes, 4,6±0,4 pour le groupe REDOX− versus 5,0±0,3 pour le groupe REDOX+ (p=0,31). Le score ESSDAI était supérieur dans le groupe REDOX+, 11,4±1,9 versus 6,0±1,4 dans le groupe REDOX− (p=0,02). Quatorze des 17 patients REDOX+ ont pu avoir une biopsie musculaire. Sur le plan histologique, toutes les biopsies musculaires présentaient des anomalies non spécifiques et 8 (57,1 %) des anomalies évocatrices de dysfonction mitochondriale : fibres rouges déchiquetées (RRF) dans 5 cas (35,7 %), fibres COX négatives dans 8 cas (57,1 %). Sur l’étude OXPHOS, 13 (92,9 %) biopsies montraient une activité réduite d’au moins un complexe de la chaîne respiratoire dont 12 (85,7 %) pour le complexe I.

Discussion

Dans notre population de SS primaire, plus de la moitié des patients présentaient des anomalies évoquant une dysfonction mitochondriale sur le cycle REDOX. Parmi les 14 biopsies musculaires réalisées, 12 présentaient des anomalies du complexe I, interrogeant sur son implication dans la fatigue du SS. Même si l’intensité de la fatigue ne différait pas entre les groupes REDOX+ et REDOX− selon le FSS, nous avons observé un score d’activité ESSDAI plus important dans le groupe REDOX+. Nous pensons que la mitochondrie peut constituer une piste d’exploration pour comprendre la fatigue du SS, comme cela a pu être noté dans le lupus [3]. Les résultats du score ESSDAI laissent envisager un lien entre les « poussées » de la maladie et la dysfonction mitochondriale, ce qui présage que cette dysfonction pourrait être en lien avec l’activité inflammatoire biologique du SS.

Conclusion

Les résultats de ce travail incitent à poursuivre les explorations métaboliques, notamment mitochondriales, dans le SS dans lequel la fatigue constitue un symptôme fréquent, invalidant et encore très mal compris.

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Vol 36 - N° S2

P. A77 - décembre 2015 Retour au numéro
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